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Publié : 24 juin 2011

Kovalevskaya et l’apprentissage du calcul différentiel et intégral

Texte original de Sonia Kovalevskaïa

Sophie Kovalevskaïa (1850-1891), mathématicienne russe

Dans Souvenirs d’enfance, ouvrage rédigé en francais par Sonia Kovalevskaïa et publié en 1895 par la librairie Hachette, on peut lire :

Lorsque pour la première fois, nous nous installâmes à la campagne, il fallut réparer toute la maison, et mettre de nouvelles tentures dans toutes les chambres et elles étaient en si grand nombre, que le papier manqua pour une de celles destinées aux enfants ; Il fallait en faire venir de Pétersbourg : c’était loin et cela n’en valait pas la peine pour une seule chambre ; on attendit une occasion et, pendant bien des années, la chambre resta inachevée, le mur simplement tendu d’un papier. Par un heureux hasard, ce papier consistait feuilles lithographiées des cours d’Ostrogradski sur le calcul différentiel et intégral, jadis achetées par mon père, dans sa jeunesse. ces feuilles bigarrées d’anciennes et incompréhensibles formules, attirèrent bientôt mon attention.
je me rappelle avoir passé des heures entières dans mon enfance devant ce mur mystérieux, cherchant à déchiffrer quelques phrases isolées et à retrouver l’ordre dans lequel ces feuilles devaient se suivre. Cette contemplation prolongée et quotidienne finit par graver dans ma mémoire l’aspect matériel de ces formules, et le texte, quoique incompréhensible au moment même, laissa une trace profonde dans mon cerveau.

Plusieurs années après, quand je pris ma première leçon de calcul diffrérentiel, avec un célèbre professeur de mathématiques de Pétersbourg, Alexandre Nicolaévitch Strannolioubsky, il fut étonné de la rapidité avec laquelle je saisissais toutes ses explications, "comme si je les avais sues à l’avance", ce fut l’expression dont il se servit. En effet, au moment où il me donnait les premières notions, je me rappelai soudain avoir vu tout cela sur le mur de ma chambre d’enfant ; et il me sembla que le sens des termes dont se servait le professeur m’était familier depuis longtemps.

Source : Sonia Kovalevskaïa, Souvenirs d’enfance in Jacqueline Détraz, Kovalevskaïa, l’aventure d’une mathématicienne, Belin 1993, p. 73, sur l’indication de Francis Buekenhout.


Extrait de MAA 118, p. 496, submitted by Robert Haas, Cleveland Heights, OH

When we moved permanently to the country, the whole house had to be redecorated and all the rooms had to be freshly wallpapered. But since there were many rooms, there wasn’t enough wallpaper for one of the nursery rooms... [wich] just stood there for many years with one of its walls coverd with ordinary paper. But by happy chance, the paper for this preparatory covering consisted of the lithographed lectures of Professor Ostrogradsky on differential and integral calculus, which my father had acquired as a young man.

These sheets, all speckled over with strange, unintelligible formulas, soon attracted my attention. I remember as a child standing for hours on end in front of this mysterious wall, trying to figure out at least some isolated sentences ...

Many years later, when I was already fifteen I took my first lesson in differential calculus from the eminent Petersburg professor Alexander Nikolayevich Strannolyubsky. He was amazed at the speed with which I grasped and assimilated the concepts of limit and of derivatives, ’exactly as if you knew them in advance’ ... And, as a matter of fact, at the moment when he was explaining these concepts I suddenly had a vivid memory of all this, written on the memorable sheets of Ostrogradsky ; and the concept of limit appeared to me as an old friend.

Sofya Kovalevskaya, A Russian Childhood, trans. B. Stillman, Springer-Verlag, New York, p. 122-123