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Publié : 8 octobre 2008

Pierre-Emmanuel Caprace dans la lettre du FNRS

Pierre-Emmanuel Caprace, brillant mathématicien sorti de l’ULB, professeur à l’Université Catholique de Louvain

est mentionné à la page 7 de la lettre du FNRS N° 74 de septembre 2008 consacrée aux chercheurs qualifiés

Lettre du FNRS n° 74

Pierre-Emmanuel Caprace

Géométrie et théorie des groupes

Sa capacité d’abstraction permet
à l’humain de reconnaître
des points communs
à des entités d’apparence différente.
Ainsi, les pétales d’un trèfle,
les nageoires dorsales d’une
morue et la famille dont vient de
naître le premier enfant ont en
commun le nombre trois. On peut
imaginer que c’est par ce type de
rapprochement que l’étonnant
concept de nombre entier a peu
à peu vu le jour. Véritables joyaux
d’abstraction, les nombres ont
progressivement imprégné nos
modes de vie et de pensée de leur
implacable ubiquité.

Un autre concept, moins invasif
mais tout aussi naturel, est né
d’une même tendance à l’abstraction
 : celui de groupe, dont la
théorie fournit un langage formel
permettant l’étude de la notion
de symétrie. L’ évidence visuelle
d’une ressemblance entre le corps
humain, le corps d’une mouche
et la façade de Notre-Dame de
Paris s’impose à tous : gauche et
droite sont symétriques. Il a néanmoins
fallu attendre le début du
XIXe siècle et le génie d’Évariste
Galois pour établir que cette similitude
était également partagée
par l’équation X^2 + 1 = 0, et
devenait d’autant plus évidente
que l’on dégageait une courte
liste d’axiomes algébriques capturant
univoquement ce qu’ont
en commun les symétries de tout
objet, de quelque nature qu’il
soit. Ces axiomes définissent le
concept de groupes, aujourd’hui
omniprésent en mathématiques
et dans les sciences de la nature,
tant est centrale la notion de
symétrie.

Parmi les groupes localement
compacts, c’est-à-dire de dimension
finie, on retrouve l’ensemble
des nombres entiers, qui
forme un sous-groupe discret
remarquable du groupe continu
des nombres réels. Des exemples
analogues s’obtiennent en
considérant des ensembles de
matrices réelles ou entières.
Dans ce même contexte ont récemment
été mis en évidence
d’autres exemples beaucoup
plus mystérieux, appelés groupes
de Kac-Moody. Ceci est d’autant
plus étonnant que les groupes
de Kac-Moody sont avant tout
des objets de dimension infinie,
et jouent par ailleurs un rôle tout
aussi inattendu dans certaines
questions de physique théorique.
Pour Pierre-Emmanuel Caprace,
Docteur en Sciences de l’Université
Libre de Bruxelles, il s’agit de
comprendre la nature multiple
de ces groupes et de l’expliquer
au sein de la catégorie de tous les
groupes topologiques.


Trois questions

Quel est le moteur de vos recherches ?
- Une partie de la réponse est sans doute commune à tous les chercheurs : la curiosité, le désir de comprendre.
Dans mon cas particulier, c’est aussi la rencontre et l’interaction avec d’autres scientifiques qui stimulent mon
imagination, orientent mes questionnements et font ainsi progresser le cheminement de ma pensée. L’ esthétique
joue un rôle prédominant : j’aime les problèmes qui s’énoncent de façon concise, et plus encore de leur
trouver des explications simples ou des solutions élégantes.

Quel personnage (historique ou fictif) incarne le mieux l’esprit de vos recherches ?
- Calvin, le personnage de Bill Watterson, pour son imagination déferlante qui le fait interagir avec les créatures
d’un monde qu’il s’invente. Et Franz Liszt, monstre sacré du romantisme, pour sa quête de vérité et d’absolu en
musique, repoussant sans cesse ses limites, qu’elles soient pianistiques, compositionnelles ou spirituelles.

Quels rêves d’aboutissement pour vos recherches ?
- Cette question m’évoque ce vers du poète Hölderlin : « O ein Gott ist der Mensch, wenn er träumt, ein Bettler,
wenn er nachdenkt » (« L’ homme est un mendiant quand il pense, mais un géant et un Dieu quand
il rêve »). Plus que de trouver réponse aux questions les plus insistantes que je rencontre dans mes travaux,
l’accomplissement viendrait pour moi du fait d’inspirer à mon tour et malgré moi d’autres chercheurs, d’influencer
leurs questionnements et accompagner ainsi leur propre quête.