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Publié : 31 janvier 2011

La HP 15-C, une machine pour ingénieurs, chercheurs ,... et aventuriers.

Nostalgie et regard sur le passé

La série HP-1xC

Présentée en 1981, il y a trente ans, cette série était composée de 5 modèles.

  • HP-10C, le modèle de base,
  • HP-11C, modèle plus élaboré du point de vue de la programmation
  • HP-12C, calculatrice financière, encore en production en 2011,
  • HP-15C, caculatrice scientifique dotée de fonctions mathématiques avancées,
  • HP-16C, calculatrice scientifique pour informaticiens.

Tous les modèles de la série fonctionnaient bien sûr en mode RPN et ils se distinguaient aussi par leur format (commun aux six modèles).

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Ce format, qu’on pourrait qualifier de « paysage » était en fait très ergonomique et permettait de rapides manipulations de touches car, sur le clavier, les deux pouces étaient actifs alors que sur une machine classique, on tape à un doigt... Les utilisateurs de la Texas TI-92 ne démentiront pas.

Le cahier des charges

Les machines de la série HP-1xC étaient increvables. Elles avaient été conçues pour travailler dans des conditions extrêmes.

  • Les composants étaient de première qualité (Classe A)
  • L’électronique active était entièrement logée derrière l’affichage, bien à l’abri de la poussière. Le clavier était conçu pour ne laisser passer aucune impureté.
  • La machine devait pouvoir travailler dans des conditions difficiles de température et d’humidité. Une HP-1xC pouvait être embarquée sans problème pour un tour du monde à la voile. L’auteur des ces lignes à pu vérifier l’excellente résistance de la machine en l’utilisant cinq années durant en Afrique équatoriale [1] où règne, comme on le sait, le pire des climats.

Un point très important concernait la consommation de ces machines. Les composants avaient été choisis pour laisser passer un courant de fuite inférieur à quelques nanoampères et les processeurs, un peu lents il est vrai, n’étaient pas très gourmands. De ce fait, en utilisation normale, un jeu de piles pouvait tenir plusieurs années. Une légende [2] raconte qu’une machine de la série avait encore des piles en bon état après être restée inactive pendant plus de vingt ans.

Tout ceci fait qu’une telle HP se vendait assez cher (en Belgique, environ 8000FB, aux USA 135$). Mais pour une machine qui trente ans après fonctionne encore parfaitement, est-ce que ça n’en valait pas la peine ?

Nostalgie

Un site a lancé une pétition pour la relance de la production de la HP-15C. Nostalgie ou besoin réel ? Le fait est que la HP-12C, prestigieuse calculatrice financière est toujours en production à ce jour (99€ à la Fnac) et que certains scientifiques peuvent donc se sentir frustrés de ne plus pouvoir se procurer leur joujou.

Un argument avancé par les promoteurs de l’initiative est que les chercheurs, ingénieurs, professeurs trouvent encore souvent utile d’avoir à portée de main une calculatrice simple et puissante malgré l’omniprésence d’outils technologiques dans leur environnement.

Ne nous leurrons cependant pas ! Une HP-15C dans sa version 1981, lente et sans interface avec un ordinateur doit être considérée comme inutilisable actuellement. En effet, qui accepterait encore de ré-encoder ses programmes à chaque fois qu’il en a besoin [3] ? Et l’affichage sur une ligne est-il encore compatible avec la présence de puissantes fonctions matricielles ?

Les manuels de la HP-15C, une perfection à laquelle on n’est plus habitué.

Les manuels de l’époque étaient d’une présentation irréprochable : carnet à spirale et à couverture cartonnée, papier luxueux,... On est loin des CD, parfois fort bien réalisés par ailleurs, accompagnant les machines actuelles.

La HP-15C était fournie avec un manuel de base qui avait tôt fait de convertir les plus réticents au mode RPN et, en option, l’utilisateur pouvait commander le HP-15C advanced functions handbook.

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La HP-15C fut la première machine à proposer le calcul complexe étendu (matrices, fonctions de la variable complexe). Malheureusement, son affichage sur une seule ligne de facilitait pas la lecture des résultats.

Relevons au passage quelques sujets traités dans ce manuel

  • Une utilisation critique du Solveur d’équation,
  • Évaluation d’une intégrale, y compris les intégrales impropres et même les intégrales (le long d’un chemin) dans le plan complexe.
  • Calcul matriciel (à coefficients éventuellement complexes) et description de la décomposition LU, estimation des erreurs sur le calcul de la matrice inverse, matrices presque singulières, etc. Ce chapitre couvrait 75 pages...

Pour tâter de l’ambiance, voici la page qui traite, à l’aide de la notion de norme d’une matrice [4], du danger qui peut exister à vouloir inverser certaines matrices.

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Le traitement des erreurs érigé au rang de culte

Pour bien comprendre l’importance accordée au traitement des erreurs sur la série HP-1xC, mentionnons ce fait qui peut paraître déroutant :
comme une machine, travaillant en virgule flottante ne dispose jamais que d’une approximation de π (13 décimales en interne dans notre cas), la valeur affichée par une HP-1xC de sin(π) est non nulle si la machine est configurée pour afficher les résultats en mode scientifique :
sin(π)=-4,1×10-10

Dans le HP-15C advanced functions handbook, des exemples d’erreurs insidieuses sont traités méticuleusement dans un appendice de 40 pages.
Ce qui permet à HP d’établir un hiérarchie des erreurs, de la plus banale à la plus insidieuse [5].

  • Level 0 : No error
  • Level ∞ : Overflow/Underflow
  • Level 1 : Correctly Rounded, or Nearly so
  • Level 1C : Complex Level 1.
    Dans certains cas simples mais un peu « limites », la partie réelle d’un complexe est obtenue avec une grande erreur relative alors que l’erreur relative sur la norme peut-être acceptable.
  • Level 2 : Correctly Rounded for Possibly Perturbed Input.
    Une entrée perturbée est par exemple la valeur de π fournie par la machine.

Cerise sur le gâteau, le manuel se termine par une introduction à l’analyse rétrograde des erreurs. Visiblement, les ingénieurs de chez HP voulaient être définitivement absous des quelques malheureuses erreurs que pouvaient commettre leur machine dans certaines situations marginales...

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Rappelons quand même que, dans nos classes, la problématique des limitations d’une calculatrice se pose dès le premier degré sur les machines les plus simples. La basculement de l’affichage en mode scientifique dès qu’un résultat est « trop grand » pose des problèmes pédagogiques délicats.
Un exercice classique est, par exemple, de calculer à l’aide d’une machine la valeur exacte du produit 1234567×7654321 qu’on réécrit sous la forme (1234500+67)×(7654300+21). Après avoir distribué et effectué les calculs intermédiaires à la machine, l’élève achève le calcul à la main, ce qui lui donne un agréable sentiment de supériorité face à la calculatrice...

Un visite qui s’impose : le MoHPC

Le Museum of HP Calculators est une source inépuisable de renseignements sur les calculatrices HP. Pour ceux que ces lignes ont intéressés, on peut y commander les CD-Rom contenant le ou les manuels de n’importe quelle calculatrice de la marque. Ce patrimoine est inestimable et fait déjà partie de l’archéologie informatique.

Notes

[1... et jamais dans des locaux climatisés !

[2Les faits s’estompent mais les légendes restent (Amin Maalouf, le rocher de Tanios)

[3Notons qu’en 1976, HP proposait la HP67/97 munie d’un lecteur de cartes permettant de sauvegarder ou même d’acheter des programmes

[4La HP-15C proposait trois normes différentes pour les matrices

[5indépendamment de la précision elle-même